Le chemin vers l’ubérisation.

08/12/2017
Chargé d'enseignement à l'Université catholique de Lille, Doctorant.
N. BORTKO
(Chargé d'enseignement à l'Université catholique de Lille, Doctorant.)

Cela fait quelques années que « le travailleur salarié n’est plus nécessairement un simple rouage dépourvu d’initiative dans une organisation fortement hiérarchisée. Et le travailleur indépendant n’est plus nécessairement un entrepreneur libre d’œuvrer comme bon lui semble. Le travail salarié fait place à ce qu’on peut appeler l’autonomie dans la subordination, tandis que réciproquement le travail non salarié s’est ouvert à ce qu’on peut appeler l’allégeance dans l’indépendance[1]. » La notion de salariat serait en pleine mutation. Le travailleur aurait besoin de plus d’indépendance, d’autonomie et de liberté. Il voudrait s’affranchir de toute idée de hiérarchie ou de subordination. La fin du taylorisme est proche et laisserait place à l’ubérisation.

Ce terme d’ubérisation a été popularisé par Maurice Lévy, patron de Publicis[2]. Il s’agit d’un « néologisme qui peut s'utiliser pour décrire comment une start-up à travers une plateforme numérique permet de mettre en relation les entreprises et ses clients. » Ce terme journalistique prend racine dans le système économique de la société américaine Uber, qui développe et exploite des applications mobiles de mise en relation d'utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport, de livraison de repas à domicile. Cela permet à quiconque de travailler pour l’entreprise tout en étant libre de travailler quand bon lui semble. Le travailleur deviendrait totalement autonome. Il n’est plus rémunéré à l’heure mais à la tâche. Elle est basée non seulement sur l’économie collaborative mais aussi sur l’économie à la tâche. Le travailleur se retrouve dès lors rémunéré à la tâche et non plus au temps passé à travailler. Le travail est pour cela, divisé, fragmenté en plusieurs petites tâches qui seront rémunérées en fonction de leur complexité. Par exemple, un chauffeur de taxi ne sera dès lors plus payé à la minute mais à la course. Ce type de travail favorise l’emploi en tant qu’indépendant car la tâche demandée suppose rarement une qualification particulière. Ce système permet à quiconque, travailleur salarié au sens classique du terme, étudiant, personne sans diplôme d’arrondir ses fins de mois. Parfois comparé à une activité d’appoint, elle provoque l’émergence de plateformes numériques vendant des services mais ne les produisant pas directement. C’est pourquoi, l’ubérisation contribue au retour du travail en tant qu’indépendant.

L’activité regroupe trois acteurs : le prestataire (le salarié indépendant) rend un service au consommateur (le client), puis la plateforme (la société Uber par exemple) permet au prestataire de réceptionner le paiement. Cette dernière prélève alors une commission avant de permettre au prestataire d’y accéder. Cette relation tripartite permet à la fois de réduire les coûts et à la fois de rendre un service de meilleure qualité.

L’entreprise a été fondée par Garrett Camp, Oscar Salazar et Travis Kalanick. Elle est présente dans plus de trois cent dix pays dans le monde et serait valorisée à 50 milliards de dollars.

Toutefois, ce système d’uberisation fait polémique partout dans le monde. Nous verrons dans une prochaine note comment l’ubérisation est-elle en train de changer le marché de l’emploi et le monde de l’entreprise au niveau international ?



[1] A. Supiot, « Les nouveaux visages de la subordination », Droit social, février 2000, p.133

[2] Groupe de communication français

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